L’oncle
Gaston (Tom étant déjà pris et réservé) tapota délicatement sa pipe sur son
talon – tap tap tap - et l’enfourna dans la poche de son large pantalon.
Il
toussota et en guise de sommaire ramonage nécessaire se racla la gorge, le
tabac vous colle un genre de suie dans les conduits. Si on veut être entendu,
mieux vaut faire le ménage dans les tuyaux. Par précaution, au préalable
évacuer.
« Hum hum hum !
Silence dans les rangs, écoutez bien l’histoire que voilà ! »
Les enfants en ordre se
rassemblèrent,
en rond autour de tonton
conteur,
se mirèrent en position
tailleur.
« Il était une fois…
- Les histoires débutent
toujours ainsi depuis bien longtemps
Il était une fois, dans un
enclos trois drôles de cocos
qui à qui mieux sur ce
qu’ils estimaient être un mauvais coup du sort,
se lamentaient et bruyamment
se plaignaient.
Une
ânesse, une chèvre et une poule.
photo Yveline Gautron.
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Furieusement, l’une brayait, l’autre bêlait, la dernière caquetait.
Furieusement, l’une brayait, l’autre bêlait, la dernière caquetait.
L’ânesse protestait
rageusement en tapant du sabot :
« Mon mari est un âne,
ignorant, têtu, fieffé buté.
Allez donc faire entendre
raison à un animal bâté !
Qu’ai-je fait au ciel pour
mériter un si grossier partenaire ?
Pourquoi ne suis-je tombée
sur un compagnon éduqué ? »
La chèvre dans les
véhémentes protestations n’était nullement en reste :
« Je vous comprends ma
chère, pour ma part je n’ai pas non plus été gâtée,
Dieu m’a abandonnée en me
confiant au Diable !
Mon barbu de bouc est une
brute, à toute heure, du matin au soir, en rut,
Sans aucun souci de ménager
ma fragile croupe
qui en est endolorie à un
point que je ne peux plus m’asseoir !
Et de surcroît, il pue pue
pue… mais pue pue tant que je n’en peux
plus. »
La poule, tout en picorant à
son habitude inlassablement, geignait :
« Vous vous plaignez
mesdames mais que dire du mien, de cet emplumé vaniteux,
Un bellâtre, coq tout à la
fois de la basse-cour et du village
Sous mes yeux, toutes mes
frangines passent à la casserole.
Comment expliquer ce
comportement paternel à mes enfants, poussins sains ? »
Elles en appelèrent au ciel.
Pris
à témoin, Jupiter qui règne tout là-haut en compagnie d’autres éminents
confrères, agacé par les bruyantes jérémiades, répondit tout en se
défaussant sur son collègue l’autoproclamé Créateur, celui qui aurait tout
inventé, de la machine à café à la crème de beauté, le fil à couper le beurre,
sans oublier le tire-bouchon :
« Je vous entends d’où
je suis, je suis loin d’être sourd, amplement je compatis
Mais je ne me sens nullement
responsable de vos prétendus malheurs
Après réflexion, cependant
je déclare que vous n’êtes pas les plus mal loties
Honnêtement et franchement,
de quoi vous plaignez-vous ?
Regardez autour de
vous !
Modestes créatures, soyez un
instant objectives
et songez à la misérable
condition de madame Pou.
Son mari est vilain comme
tout - ne dit-on pas laid comme un pou ? -,
Et sa progéniture, ce qui
l’agace considérablement, est lente mais lente…
Pou pou pou pidou.
Quant
à vous trois,
je
vous conseille de continuver à vaquer à vos coutumières occupations,
Il
faut savoir raisonnablement se contenter de votre terrestre condition.
Le
Créateur, avec qui je ne saurais entrer en conflit, on se serre les coudes
ici, l’a voulu ainsi, faites avec.
Voilà mon conseil. »
Sur
cette sentence sans appel, Jupiter en grand juge de paix (des ménages)
dignement se retira, considérant avoir avec sagesse réglé le problème des
plaignants.
Les
dieux surchargés de dossiers sont ainsi, ils se doivent de gérer au plus vite
et au mieux les affaires courantes.
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Tonton Gaston signifia qu’il
en avait terminé, qu’on pouvait se lever.
Il restait à l’auditoire à
méditer et tirer leçon de cette morale.
Merci encore à lui d’avoir
narré cette édifiante histoire (à dormir debout).
*** fin ***