Ouarzazate bascula dans l’Histoire, quand
passa le grand souffle, comme passe depuis toujours le vent chaud du désert.
L’ancien seigneur maître des
lieux, le Glaoui, splendide à son époque, est mort depuis longtemps, à un âge
avancé, à un âge qu’on dit respectable.
Il était puissant et ambitieux. A
tort, erreur de calcul, il misa tout sur les Roumis. Mal joué, il perdit gros
sur son hasardeux pari.
Le grand homme convoita le trône,
aidant l’occupant à en chasser le légitime propriétaire. Mais un jour, vilain
tour, triste jour, revirement de la politique, le roi attitré revint d’exil et
le Glaoui dut se soumettre, devant son souverain s’agenouiller, faire amende
honorable, acte d’obédience, demander pardon humblement.
Majesté, puissance, splendeur,
richesses : il perdit tout.
Il partit vers le néant,
inexorablement, misérablement.
Désormais le palais est à
l’abandon, livré à la molle curiosité de touristes distraits qui ignorent le
plus souvent qui il fut, ce que fut sa vie, sa gloire passée.
Les grandes pièces sont vides, la
vie a fui elle aussi.
Il n’y a plus âme qui vive au
balcon pour admirer les fêtes grandioses. De fêtes il n’y eut plus. Personne
derrière les grilles de la pièce réservée aux concubines. Malgré les barreaux
elles se sont enfuies au loin.
La chambre de la favorite est
vide, aussi, on ne l’apercevra plus épiant derrière le grillage auquel
s’accrochent les moineaux roturiers, si heureux de s’ébattre au grand soleil,
avec des sensations de liberté tout plein leurs petites têtes de filles et fils
du peuple.
Par privilège, la favorite
logeait dans la plus haute pièce. Que de marches à gravir pour le vieil homme,
de quoi faire tomber le désir du seigneur lorsque lui prenait l’envie d’une
visite. Poids des ans augmenté par le nombre de marches. Sûr que la dame de
tout là-haut avait ses secrètes recettes pour l’attirer à elle mais chaque
marche de douleur le faisait gémir.
Il arrivait au but, souffle
court. Ce qui n’est guère séant pour faire la cour.
Adieu à toi El Glaoui, adieu
concubines voilées, adieu favorite, adieu les fêtes de jadis.
Des moineaux, il ne reste que
cela.
*** fin ***
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