J’ prendrai la passerelle pour rejoindre ma belle…

J’ prendrai la passerelle pour rejoindre ma belle…

T708 - Le merle blanc.

Y a comme un défaut !

 

Un merle se lamentait auprès de qui voulait l’entendre. Je fus celui-là.

« Je n’ai aucun doute là-dessus. Jadis, comment en douter, cela ne peut être autrement, j’ai grand peine à le dire, ma mère, ma chère mère, avec le diable, maudit soit-il, aura fauté, gravement.

Sinon comment expliquer ces plumes blanches, sur une aile, sur mon bec ?

Mon père était noir, totalement. Sérieux, travailleur, pas une goutte d’alcool, la messe le dimanche. Un modèle, quoi !

En conjectures je me perds.

Or, ce que vous observez sur ma personne, ce n’est pas de la peinture, pas plus que de la crème Mont-Blanc, c’est de l’authentique plume.

Quoi ? Parmi les amants blancs, supposés, coupables présumés, un échassier, un palmipède ? Une aigrette, une oie, un cygne ? Difficile d’y croire, même le Kama Sutra serait bien incapable de donner de précieux conseils quant à la position à adopter.

Quoi ? Un déluré boulanger pendant sa tournée ? Ce serait vraiment contre nature mais si cela devait être le cas, que n’a-t-elle porté son choix, si impérieux était son besoin, sur le ramoneur ou le charbonnier !  Ce fut plus avisé et prudent, du ni vu ni connu, et je pouvais tête haute parader dans la rue.

 

Moi, membre incontestable de la famille des merles, je me dois d’être noir, de haut en bas, de long en large. Ce blanc incongru et mal venu, c’est une vraie galère. Je dois sans cesse m’expliquer sur cette anormalité – même si elle est aussi légitime que la règle, selon Gustave Flaubert.

Imaginez les difficultés administratives pour obtenir des papiers d’identité aux services de l’état civil de la merlerie.

 

Ève aussi, la malheureuse, l’insouciante inconsciente, avait fauté – ce qui ne lui fut jamais pardonné. Non mais, imaginez ! Avec un serpent, tentateur tentant qui à la femme légitime mais frivole d’Adam tâtât.

Il faut reconnaître que les messieurs en ces temps ne couraient pas les rues. Des rues il n’y avait pas, pas plus que de chemins et par conséquence pas de cartes Michelin. On se débrouillait sans. Pour aller où ? Au jardin de l’Eden, le premier couple de l’histoire de l’humanité se trouvait à poil mais à son aise et s’en satisfaisait. Tout était en abondance à portée de main, aucune raison d’aller voir ailleurs. Sauf pour Ève qui se languissait parce qu’Adam se contentant de peu, un qui n’avait pas même été fichu de rechercher une compagne - il avait chargé l’Être Supérieur de la besogne -, incorrigible oisif, bien que disposant du mode d’emploi et de la notice d’utilisation, remettait systématiquement à plus tard le devoir conjugal alors qu’il s’y était engagé formellement auprès des Autorités. Son boulot sur terre était de procréer, obligation lui avait été faite de forniquer sans pratiquement souffler et d’assurer la relève. Déjà on anticipait un besoin futur de main-d’œuvre quand viendrait l’industrialisation et les grandes guerres.

Bref, car je m’égare, Ève se contenta, pour se contenter, du premier qui voulait bien. SOS Femme délaissée. Ce fut le serpent, un pas fainéant, du genre frétillant. L’une et l’autre prirent du bon temps. On en parle encore maintenant.

Croyez-vous que la descendance de la fautive porta comme moi de façon apparente le poids de cet impardonnable péché dans le verger, sous le pommier ? Aux dires des témoins de ces temps reculés, rares certes mais dignes de foi, Abel et Caïn n’avaient ni écailles, ni langues fourchues, pour des garçons la queue était raisonnablement longue, des bras et jambes en juste nombre, pas plus, pas moins, ainsi que le Très Sage Créateur l’avait conçu dans son immense sagesse – bien qu’il fut débutant dans l’exercice de création de mondes. »

 

Ce merle d’évidence broyait du noir.

Ce qui grosso modo pouvait améliorer son sort.

Et mettre un terme à cette histoire.

 

T707 - Le renard et la faisane.

Le renard, par ses ruses, depuis toujours des âmes sensibles a abusé.

Jean de La Fontaine a maintes fois dénoncé les méfaits du fieffé.

 

Cette histoire en donne un édifiant nouvel exemple.

 

 

Certain jour, Goupil croisa la route d’une craquante faisane

Grassouillette, dodue à souhait, s’il vous plaît.

 

La saluant, l’eau à la bouche, le coquin fit illico l’aimable,

tout comme dans les fables.

Et je te complimente avec ardeur et je te fais le joli cœur...

 

Bla bla bla.

 

Fariboles sont les belles paroles

Qui s’y fie est bien fol.

A l’instar de Sœur Anne, la crédule Faisane ne vit rien venir.

Il lui fit du plat, elle craqua

Il en fit son plat. il la croqua.

Cric et croc et crac.

 

Direction l’estomac du malfrat, chemin faisant, elle se rappela tardivement

Que la faisane, toute faisane qu’elle soit, doit se méfier des faisans.



T706 - Pêne et peine.

Mesdames, Messieurs,
je vous prie, de la décence,
faites preuve d'un tant soit peu d'indulgence
envers le pauvre artisan en souffrance.

Ce n'est pas parce que le serrurier se retrouvant en manque de pêne
s'est fâcheusement pris les pieds dans le tapis,

qu'on doit lui mettre les points sur les I
pour souligner sa défaillance.

Vous lui feriez vraiment trop de peine.

T705 - Le courroux du toutou.

 

Avec elle c’est comme ça, décidément elle ne changera pas

elle est toujours en retard, que ce soit matin, midi ou soir.

Elle m’avait pourtant déclaré, la main sur le coeur :

« Cette fois-ci, juré promis, chéri, je serai à l’heure. »

 

Comme un ballot, planté devant la pancarte du resto.

J’ai lu le menu plusieurs fois, à l’endroit, à l’envers,

Et momentanément tourné le dos aux promesses d’un tendre tournedos.

Je suis d’une humeur de chien, au bord de la crise de nerf.

 

Elle m’avait dit : midi pétantes, mon p’tit coeur !

Il est presque une heure.

J’ai l’estomac dans les talons

Et je commence vraiment à être grognon.

 

Alors que je rongerais volontiers un bel os

Je languis à cause de cette belle gosse rosse !

Je ronge mon frein.
M’enfin ! J’ai faim, faim, faim.

 

Je suis du genre du clébard revanchard,

Pas un saint, pas un Saint-Bernard.

C’est décidé, elle paiera sa part.