Le héron, en tout, de partout, si long, si long,
d’un oeil circonspect, observait dans l’enclos le
canasson.
Canasson ? Quel affront, quel laid nom !
Ce n’est pas que l’oiseau haut perché ait reçu
mauvaise éducation
Mais ignorant tout de l’équidé, son sexe tout comme
son nom,
Ne savait le nommer d’une autre façon.
Monsieur Au-Long-Cou examinait la bête dans le pré et
s’interrogeait.
« Comparons-nous.
Il est volumineux, il a quatre pattes et de crin est sa queue
Je suis de plumes,
certes fluet, n’ai que deux pattes mais une solide paire d’ailes.
Entre nous, la belle
différence ! Sincèrement, mérite-t-elle tant de médisance. »
Au grand jamais La Fontaine n’égratigna l’espèce dans
ses écrits
Pas la moindre moquerie, nulle douteuse plaisanterie,
Alors qu’il avait reçu bon compte, lui le modeste
échassier.
L’auteur pour des générations l’avait copieusement
chargé !
Le Castelthéodoricien n’y était pas allé de main
morte,
Pas plus qu’avec le dos de la cuiller, pour le
discréditer :
Ah ah ah ! Voyez son long cou, ses longues
pattes, son long bec !
Dans un inventaire à la Prévert, jamais en rade de
tout long,
Et d’en rajouter, de se gausser, sans une once de
générosité.
« Je suis comme je suis
mais je me rends où je veux, quand je le veux, libre comme l’air
Trois petites foulées,
je m’envole et au loin vole dans les grands espaces de l’éther,
Pas comme cet animal
assisté cloué au sol, à l’horizon limité par les clôtures et barrières,
Le mufle à terre, sans
seulement lever le bout du nez, à brouter toute la sainte journée.
Certes je dois chaque
jour chercher gîte et couvert, mais qui de nous deux doit-on envier ?
Ne vaut-il pas mieux
prendre de la hauteur que rester au ras des pâquerettes. »
C’était là la réponse à la question toute bête d’une
pas si sotte bête
Quoi qu’ait perfidement affirmé avec insistance le
médisant poète.
Ainsi raisonnait
lucidement le héron.
Comment ne pas lui
donner raison ?
To be or not to be ?
N’en déplaise à
Jeannot, le héron était résolument to be.
***fin***