Raoul, un petit bonhomme, vraiment pas bien grand,
quoique bien élevé,
un nom aussi court que sa taille.
Elle, l’épouse, Antoinette, qui dominait son Raoul
d’une bonne tête, plutôt rondelette.
Tous deux gardiens d’immeubles. Préposés au petit
entretien, à l’accueil, à la distribution du courrier. Et au ramassage des
ordures ménagères. Entre autres.
Deux enfants : un garçon, Claude, fils de son
père, sosie quasiment parfait, et sa sœur, son aînée, une agréable brunette,
dont le prénom m’échappe à l’instant.
C’était il y a longtemps, du temps de mes jeunes
années.
Permettez à ma mémoire de flancher.
Cependant ce n’est pas d’eux dont je souhaite
aujourd’hui vous entretenir.
Voilà le danger de se précipiter sur le clavier, au
risque de déraper.
J’ai sous le coude et dans
un coin de ma tête – curieuses conditions de stockage, une histoire qui reste à
concrétiser, celle d’un chat et de deux chevaux, des juments, plus précisément.
De cela je suis sûr.
Chat ou chatte, tel qu’il
était planqué dans les herbes, ou telle qu’elle l’était, difficile de se
prononcer et il ne s’agit pas d’une simple question de mémoire.
Le chat, les juments.
Les observer.
Qu’en dire,
qu’imaginer, que raconter, qu’inventer ?
Voilà ce qui
pourrait être une idée.
Puisse et veuille
ma bienvaillante Muse consentir à m’inspirer.
Leur comportement, à
l’un et aux autres.
Lui, le chat, pattes de
velours, apparemment satisfait de sa condition, lorsqu’il est en quête de
nourriture, fin et rusé chasseur, s’accorde volontiers un brin de fantaisie.
French cancan.
Ce sera selon son humeur, à
son heure, à sa convenance.
L’occasion dit-on fait le
larron.
Ce qui le met parfaitement
en joie et en appétit ?
Traquer la souris.
D’une patience infinie,
immobile, il guette, l’œil aux aguets, oreilles vigilantes.
A peine Trotte-menu
pointera son museau, que d’un bond Mistigri s’en saisira.
Olé.
A sa victime il fera croire
qu’elle va s’en tirer, lui laisse un peu de champ et hop ! s’en ressaisit,
d’un coup de patte bien ajusté, tout de délicatesse.
Las Vegas. Faites vos
jeux !
Ne pas gâcher la
marchandise, mettre à sa façon les pieds dans le plat.
Une fois, deux fois, autant
de fois qu’il lui convient.
Lorsque lassé de jouer,
alors sonne l’heure du coup de grâce, le fatal coup de dent.
Couic, c’en est fini. On
passe aux choses sérieuses.
Bon appétit !
Les juments, elles,
impassibles.
Voyez comme sont sérieux,
sans la moindre fantaisie, les raboteurs de pelouses, les tondeurs de moquette,
tête dans l’assiette, qui à longueur de journée broutent, broutent.
Brouter n’est pas un jeu,
une nécessité.
A se remplir la panse sans
varier les plaisirs, sans penser un instant à se divertir, dites-moi, oui
dites-le moi, où donc est le plaisir, franchement ?
En cet exercice vital, se
nourrir, rien d’autre.
à chacun sa conduite, selon
sa nature, selon son tempérament.
Du chat ou des juments, qui
est le plus heureux, qui ne l’est pas ?
Le bonheur, au juste,
dites-moi, dites-nous, c’est quoi ?
Quelle conclusion
tirer ?
De mon histoire, voilà
l’idée.
Reste à mettre en
forme.
Ma Muse peut vaquer à
d’autres sollicitations d’auteurs en peine.
Je lui donne congé.
Raoul ceci, Raoul cela.
Antoinette ceci, Antoinette
cela.
Monique, la sœur, son
prénom, il vient à l’instant de me revenir.
Je peux me tromper.
***fin***