2018-04-30

T794 - Inconsolable.




Un grand saule pleureur se tordait de douleur,
depuis quelque temps virant au franc pleurnicheur.

Mais pour quelle raison gémissait ainsi l'hypocondriaque ?

Sous lui ce n'était qu'une énorme flaque,
depuis qu'à sa barbe et à son nez on avait enlevé sa dulcinée,
une tendre compagne qui l’emplissait de félicité.

Saule seul.

D'icelle, menuisiers et ébénistes, d'authentiques dég...
avait transformé la douce Saulette en armoire à glace.
Pauvre arbre solitaire, son ange de douceur
affichait désormais une carrure de déménageur.

On peut avoir l'esprit large mais aussi
comprendre sa douleur.


2018-04-23

T793 - La ronde des souris.

En sortant de l’école nous avons rencontré…
Cela démarre comme du Prévert
mais on s’arrêtera là !
… rencontré, non pas un chemin de fer,
mais un chat reposant paisiblement dans un pot en fer.

photo Y.G

« Profitons-en pour faire la fête pour la paix retrouvée.
Le chat dort, il ne va pas nous pourchasser et croquer
Prenez chacun votre voisin par la main, gais compagnons,
formons une joyeuse ronde autour du chaudron »
Les grignoteuses de se le dire,
le cercle, ravies, elles firent.

Les souris de l’école du parc de Montsouris
Ma souris, Montsouris,
Mes souris.
Missouri.

La la la
La la la
Tralalalalère

De tourner bruyamment autour du pot
En lançant au dormeur de provocants jeux de mots.

Le chat pitre
Le chat pot
Le chat poté
Le chat piteau

Passons passons, je vous prie,
bien que les rongeuses ne soient dénuées d’esprit.

La danse enfantine éveilla le chat
Ouvrant alors un œil, il gronda et menaça :
« En voilà des manières, scélérates bestioles !
Que vous enseigne-t-on à l’école ?
Craignez le chat sinon gare aux torgnoles !
Je suis ici désormais chez moi. Home sweet home.
Du balai, les mômes.
Petites têtes d’étourdies,
gardez-vous d’oublier que j’ai au réveil un féroce appétit.»

Ce fut l’immédiate débandade des souris.
Son sommeil tranquillement le chat reprit.

Ordre rétabli.
Ici comme à Varsovie.


*** fin ***

2018-04-16

T792 - Jeu de rôle.


Bien qu'absentes fussent la rude bure et la tonsure
d'un saint homme il épousait sciemment l'allure.
On aurait pu s'y tromper,
tant il souhaitait nous berner.



De noir vêtu, digne, il progressait à petits pas
Tout en psalmodiant : "Je croa, croa, croa."
Les apparences trompent, c'était un corbeau
Qui désirait qu'on le prit pour ce qu'il n'était pas.*

Pas plus que l'habit fait le moine
L'échoppe le pieux pope
La pipe le papa du pape
La méthode Coué ne fera du corvidé un curé.

* histoire de se faire une bonne réputation.
Mais les ordres, était-ce là le bon choix ?

2018-04-09

T791 - Rêves de pommes.


Pommes d'arrosoir, pommes de douche, d'Adam, de pin,
Passez de suite votre chemin ou je lâche les chiens
Que vous vous teniez décemment hors champ,
Quant aux autres, les vraies, croquez la vie à belles dents.

La rainette dans sa tête rêvait d'opérette
La chantecler bonne fille donna le la pour lui plaire.
Celle d'api, un jour proche, espère visiter Capri
Pour s'assurer que ce n'est pas du tout fini.

Leur fruste cousine de paysanne elle se pâme
À la seule évocation de se rendre à Paname
Et une pomme pâmée est absolument ravie,
Tout autant que le Loulou évoquant la Poméranie.

Vous et toutes les autres : Rêvez, rêvez !

Quand tu me prends dans tes bras
Tu me parles tout bas, la la la la...
Il faut peu de chose pour voir la vie en rose
et s'en trouver tout chose.


 
« Pom pom pom pom »
Fredonnait, inspiré, Beethoven au seul souvenir
du goût délicat d'une golden croquée avec volupté.


2018-04-02

T790 - Les amours contrariées.


Tout le monde connait la chanson de la muse germanopratine Juliette Gréco, celle du petit poisson et de l’oiseau, les deux si différents qui pourtant s’aimaient d’amour tendre.
Comment si prendre, l’essentielle question,
quand l’un est dans l’eau, l’autre dans les airs ?
Quand l’un touche le fond et l’autre tutoie le Tout Là-Haut…
Un monde alors vous sépare, tout comme Héloïse et Abélard.

Pas seulement un élémentaire problème de méthode et d’organisation, non, autrement compliqué.
Néanmoins ce n’est pas de cette charmante histoire dont je souhaite vous entretenir aujourd’hui.
La mienne, dans la longue série des amours contrariées, se révèle tout autant troublante.

Une histoire d’amour entre un arbre et une écrevisse.

Ah ! vous exclamez-vous (point d’exclamation).
Un géant d’une part, une de bien modestes dimensions de l’autre.
Nous sommes à mille lieues – et plus – du fameux balcon de Juliette et Roméo.
Surprise, étonnement, questionnement.
Quoi ? Comment ? Invraisemblable ! enchérissez-vous.

En des époques éloignées, que nous ne connûmes point, végétaux et animaux savaient, à leur manière, entre eux communiquer et même plus.
La Fontaine l’a abondamment démontré dans sa riche œuvre littéraire.

Citation extraite d’un épilogue :
« Je les faisais servir d’acteurs en mon ouvrage ;
Car tout parle dans l’univers ;
Il n’est rien qui n’ait son langage : »

Mon arbre à moi n’était pas de bois, tout en l’étant –méfions-nous des apparences - , ce qui peut surprendre.
Un arbre droit dans ses bottes, pas du genre saule pleureur, non, simplement cœur tendre sous rude écorce, grand romantique.

*** / ***

En ces temps dits lointains, les arbres savaient se mouvoir et s’émouvoir.
On peut y croire.

Vivant en bord d’eau, il était tombé amoureux d’une exquise écrevisse, pure et sans aucun vice, répondant au doux prénom de Doris.
Pour elle, franchement, il en pinçait.
Ce qui aurait pu, convenons-en, les rapprocher.

Pour atteindre la belle convoitée, objet de tous ses désirs, pour lui déclarer son ardente flamme, ce qui peut on le conçoit effrayer une de la gent aquatique, un beau jour, il prit ses branches à son cou et se décida.
En quatre, crac crac, il se plia.


« Doris, remonte en surface que je t’entretienne, que je t’entreprenne, que je sois tien, que tu sois mienne. Qu’on s’aime !
Je te prie, viens à moi, j’ai fait l’essentiel, vers le haut te hisses. Oh hisse ! »

Si le géant se projetait résolument de l’avant, la belle, hélas !, depuis toujours et par nature, à contre-sens, dans les ondes allait à reculons.
Cette façon de tenir ses distances fut interprétée par le galant comme une fin de non recevoir.
Il s’en retrouva fort chagrin, inconsolable. Entre eux, cela ne se fit pas.

Ah ! Les histoires d’amour, depuis toujours, déjà Adam et Eve, etc.
c’est d’un compliqué…



*** fin ***