Tout le monde connait la
chanson de la muse germanopratine Juliette Gréco, celle du petit poisson et de
l’oiseau, les deux si différents qui pourtant s’aimaient d’amour tendre.
Comment si prendre,
l’essentielle question,
quand l’un est dans
l’eau, l’autre dans les airs ?
Quand l’un touche le
fond et l’autre tutoie le Tout Là-Haut…
Un monde alors vous
sépare, tout comme Héloïse et Abélard.
Pas seulement un
élémentaire problème de méthode et d’organisation, non, autrement compliqué.
Néanmoins ce n’est pas
de cette charmante histoire dont je souhaite vous entretenir aujourd’hui.
La mienne, dans la longue série des amours
contrariées, se révèle tout autant troublante.
Une histoire
d’amour entre un arbre et une écrevisse.
Ah ! vous exclamez-vous (point d’exclamation).
Un géant d’une part, une de bien modestes dimensions
de l’autre.
Nous sommes à mille lieues
– et plus – du fameux balcon de Juliette et Roméo.
Surprise, étonnement,
questionnement.
Quoi ?
Comment ? Invraisemblable ! enchérissez-vous.
En des époques éloignées,
que nous ne connûmes point, végétaux et animaux savaient, à leur manière, entre
eux communiquer et même plus.
La Fontaine l’a abondamment
démontré dans sa riche œuvre littéraire.
Citation extraite
d’un épilogue :
« Je les
faisais servir d’acteurs en mon ouvrage ;
Car tout parle dans
l’univers ;
Il n’est rien qui
n’ait son langage : »
Mon arbre à moi n’était pas
de bois, tout en l’étant –méfions-nous
des apparences - , ce qui peut
surprendre.
Un arbre droit dans ses
bottes, pas du genre saule pleureur, non, simplement cœur tendre sous rude
écorce, grand romantique.
*** / ***
En ces temps dits
lointains, les arbres savaient se mouvoir et s’émouvoir.
On peut y croire.
Vivant en bord d’eau, il
était tombé amoureux d’une exquise écrevisse, pure et sans aucun vice,
répondant au doux prénom de Doris.
Pour elle, franchement, il
en pinçait.
Ce qui aurait pu,
convenons-en, les rapprocher.
Pour atteindre la belle
convoitée, objet de tous ses désirs, pour lui déclarer son ardente flamme, ce
qui peut on le conçoit effrayer une de la gent aquatique, un beau jour, il prit
ses branches à son cou et se décida.
En quatre, crac crac,
il se plia.
« Doris, remonte en
surface que je t’entretienne, que je t’entreprenne, que je sois tien, que tu
sois mienne. Qu’on s’aime !
Je te prie, viens à moi,
j’ai fait l’essentiel, vers le haut te hisses. Oh hisse ! »
Si le géant se projetait
résolument de l’avant, la belle, hélas !, depuis toujours et par nature, à
contre-sens, dans les ondes allait à reculons.
Cette façon de tenir ses
distances fut interprétée par le galant comme une fin de non recevoir.
Il s’en retrouva fort
chagrin, inconsolable. Entre eux, cela ne se fit pas.
Ah ! Les
histoires d’amour, depuis toujours, déjà Adam et Eve, etc.
c’est d’un compliqué…
*** fin ***