Son propriétaire avait appelé Tartuffe,
inconsciemment ou
irrévérencieusement,
son Grand Noir du
Berry, un beau mâle à qui les ânesses,
s’il y avait eu,
auraient sûrement fait les yeux doux
et obligeamment
présenté leurs fécondes croupes.
Le culot. C’en fut trop.
Légitimement, arguait-il,
Tartuffe en vint à se plaindre, brayant à tout vent, de sa voix bien peu
mélodieuse, hi han hi han.
« Qui m’empêchera
de braire quand je suis en colère envers ceux qui exagèrent ? Le
propriétaire, ce ridicule Molière, d’autres encore, nombreux ? Qui osera couper la parole à qui n’a pas de bol et sur
qui on raconte tant de fariboles ? »
Il protestait ainsi, à sa
manière, son registre était réduit, dépassant son propre cas, sur la misérable
condition qu’à sa gente depuis toujours on réservait
Une peu flatteuse réputation.
« Oreilles baissées, je suis prêt à foncer,
Toutes dents dehors, attention ! je mords. »
L’âne, animal de bât,
sublime bêta !
Florian non plus, mais à un
degré moindre, ne l’avait de son côté que peu ménagé.
Seule la bienveillante
comtesse de Ségur avait épargné son espèce en la personne de Cadichon dans Les
Mémoires d’un Âne. Une exception. Maigre consolation.
Attentif et soucieux
d’équité envers ses chers équidés, du bien-être et de la sérénité de ses
protégés, le Dieu des Ânes, divin protecteur, bien qu’en des nues reculées,
point sourd, entendit son pressant et déchirant appel.
Il gronda.
« Depuis l’illuminé de Nazareth on crie haro sur
le baudet,
Quel manque de respect !
J’en ai marre des coups bas qu’on inflige à mes sujets
à bât mis au plus bas.
Je me dois de mettre tout ce joli monde au pas.
Trot c’et trop
Trot c’est trot. »
Les promesses célestes
valent ce qu’elles valent
Et n’engagent que ceux qui
y croient.
Justice sera peut-être un
jour rendue
Fort heureusement, l’âne
est têtu et tout autant patient.
Hi han hi han.
*** fin ***
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