2016-02-22

T699 - Les déboires d'un âne


Son propriétaire avait appelé Tartuffe,

inconsciemment ou irrévérencieusement,

son Grand Noir du Berry, un beau mâle à qui les ânesses,

s’il y avait eu, auraient sûrement fait les yeux doux

et obligeamment présenté leurs fécondes croupes.
 


Alors qu’il vivait à l’aise, solitaire certes mais paisiblement sur son pâturage, il bâfrait à son aise sans avoir à se préoccuper d’un quelconque partage, on lui avait collé d’autorité un jeune compagnon, de même race, de petite taille, malicieusement surnommé Molière. Ce Molière outrecuidant qui sous prétexte de porter un nom prestigieux s’empressa de lui réclamer sur le champ des droits d’auteur.

Le culot. C’en fut trop.

Légitimement, arguait-il, Tartuffe en vint à se plaindre, brayant à tout vent, de sa voix bien peu mélodieuse, hi han hi han.

« Qui m’empêchera de braire quand je suis en colère envers ceux qui exagèrent ? Le propriétaire, ce ridicule Molière, d’autres encore, nombreux ? Qui osera couper la parole à qui n’a pas de bol et sur qui on raconte tant de fariboles ? »

Il protestait ainsi, à sa manière, son registre était réduit, dépassant son propre cas, sur la misérable condition qu’à sa gente depuis toujours on réservait

Une  peu flatteuse réputation.

« Oreilles baissées, je suis prêt à foncer,
Toutes dents dehors, attention ! je mords. »
 
Jean de La Fontaine, le soi-disant bon poète, lui avait porté tort en déclarant dans une de ses fables que l’âne est un animal de peu de vertu. Et dans une autre, qualifié de pelé, de galeux. Cela on l’a retenu.

L’âne, animal de bât, sublime bêta !

Florian non plus, mais à un degré moindre, ne l’avait de son côté que peu ménagé.
Seule la bienveillante comtesse de Ségur avait épargné son espèce en la personne de Cadichon dans Les Mémoires d’un Âne. Une exception. Maigre consolation.

Attentif et soucieux d’équité envers ses chers équidés, du bien-être et de la sérénité de ses protégés, le Dieu des Ânes, divin protecteur, bien qu’en des nues reculées, point sourd, entendit son pressant et déchirant appel.

Il gronda.

« Depuis l’illuminé de Nazareth on crie haro sur le baudet,

Quel manque de respect !

J’en ai marre des coups bas qu’on inflige à mes sujets à bât mis au plus bas.

Je me dois de mettre tout ce joli monde au pas.

Trot c’et trop

Trot c’est trot. »

 

Les promesses célestes valent ce qu’elles valent

Et n’engagent que ceux qui y croient.

Justice sera peut-être un jour rendue

Fort heureusement, l’âne est têtu et tout autant patient.

Hi han hi han.

 
*** fin ***

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