2016-05-30

T713 - Le corbeau qui ne voulait pas partager.


S'il y a beaucoup d'appelés, peu sont déclarés élus
et lorsqu'ils sont enfin élus, les élus n'appellent plus.
(citation approximative et hasardeuse, sans réel rapport avec cette histoire)

Deux corbeaux plus ou moins cousins,
dont l'un avait du bien, dérobé non loin le matin, mais l'autre rien de rien.
Tous deux avaient grand faim.


" Cher parent, partageons en chrétiens ce morceau de pain.
On dit certes que bien mal acquis ne profite jamais
ou encore : ce qui vient par la flûte, s'en va par le tambour...
Après tout, mon bon compagnon, l'occasion fait le larron.
Nous sommes officiellement en parentèle,
alors entre nous, sans mise en scène, ne refaisons pas la Cène,
un bout pour vous, un pour moi, jusqu'à ce qu'il n'en reste rien.

- Monsieur du Corbeau, le partage entre cousins ou frères
je n'en ai strictement rien à faire - rétorqua le possédant,
seul je vais casser la croûte et vous invite à reprendre la route
n'étant pas amis de pain, je garde pour ma pomme le butin.
Si vous ne prenez pas au plus vite la poudre d'escampette
Je vous distribuerai sur les miches moult coups de baguette.
N'oubliez pas à la prière du soir de rendre grâce à votre Seigneur,
on se révèle nettement plus rapide et lucide le ventre vide. "

Prudemment le corbeau débouté se tira des flûtes
pour ne pas entrer plus avant en fatale dispute
et partit en quête d'une âme charitable qui ouvrirait sa table.
 
Un repli dans la dignité vaut bien bataille gagnée.

2016-05-23

T712 - Le baiser de Judas (version 2)





 

Quand du lièvre la martre la route croisa

Quand la martre du lièvre la route croisa

? ? ?

 
Quand la route du lièvre la martre croisa...

- cela va mieux ainsi formulé ? -

Au réputé naïf le baiser d'amitié proposa :

" Faisons ami-ami, je m'en trouverai fort ravie.

À l’honnête proposition, dis-moi, tu souscris ? "

 

L'innocent, forcément insouciant, répondit bien sûr que oui,

Se croyant – bien à tort - du peuple des élus l'Élie.

 

Comment en douter, bien mal lui prit.

Ce n'est pas être formidable grand devin

D'imaginer qui de la martre, qui du lièvre,

Brutalement tomba sur un bec.

 

2016-05-16

T711 - Les aigreurs du corbeau.


Entendez-vous le corbeau se plaindre amèrement de l'erreur
du Grand Fabricateur en toutes choses reconnu sérieux Créateur.




Le corvidé geint, se lamente tant et plus d'être dans la tourmente, celle d’ avoir été conçu, dessus, dessous, devant, derrière, entièrement noir de cette morbide teinte du désespoir qui de la communauté le tient à l'écart - à l'exception des cortèges funèbres et des travaux de ramonage.

Comme il envie de la fine aigrette la blancheur du virginal plumage - bien que le blanc, il convient de l'admettre, soit exagérément salissant - la parure immaculée lui ouvre droit d'autorité à toute sorte d'avantages telle, par exemple, la place de choix VIP aux riches cérémonies de mariage.

Les récriminations portent jusqu'au plus profond de lointaines vallées (sans exagérer), c'est dire combien le dépité l'a au travers du gosier. L’originelle erreur pourra-t-elle être corrigée pour enfin le corbeau soulager ?
Une intervention humaine après la volonté divine, voilà une démarche culottée !

..................….. pleurs, cris, gémissements, douloureux croassements ........................

Qui saura enfin mettre fin à son immense intense chagrin ?
C'est alors qu'intervint comme par enchantement le technicien à lunettes et blouse blanche des publicités télévisées, Monsieur Détère (Jean), le bras droit de la providence pour tous les frappés de malchance dans l'usage des équipements ménagers (machines à laver ceci et cela, fers à repasser, etc.)

" Que cessent vos longs sanglots, Monsieur du Corbeau.
La solution, je l'ai là car j'ai plus d'un tour dans la manche,
tout comme dans mon sac, pour soulager le peuple des corbacs !

- Ce n'est pas Calgon qu'il vous faut, pour votre cas, y a pas bon !
Finish ? N'y pensons pas, vous auriez chaud aux miches...
Alors, je vous recommande OMO qui depuis si longtemps
lave toujours et encore plus blanc que tous ses concurrents.

- Je vous le garantis avec lui, finis les soucis, assurée la fin des tourments
avec OMO vous allez bientôt vous retrouver dans la peau du chevalier blanc.
Selon les statistiques de l'Iflop et les conclusions d'émérites chercheurs américains 98 % des clients se sont déclarés spontanément satisfaits. "

      ****************************

La publicité est vraiment la nouvelle fée (pas vraiment désintéressée),
une précieuse alliée dans votre volonté de vous transformer et améliorer.
Alléluia.

 
*** fin ***

2016-05-09

T710 - La sardine au funeste destin.

 
 

Avec ses copines, dans la boîte étroitement serrée
Ainsi que des pensionnaires ordinaires de la Santé
- une prison bien mal nommée -
La sardine n’avait songé qu'à s'évader.

Soucieuse d'échapper à son pitoyable sort
De la geôle, miraculeusement, un jour elle sort.

Comme elle n'avait plus toute sa tête
Elle se précipita dans la gueule du loup, c'est bête.
Sur les coups de 4 heures en un seul coup il l'avala
Sans le moindre embarras.

Le sar dîne de bonne heure
Ce qui ne fit pas de la sardine le sien.
L'estomac du glouton
Fut son ultime prison.

La liberté qui n'a pas que du bon
 s'achève parfois en queue de poisson.
L’escapade s'arrêta là,

Tout comme l'histoire que voilà.
 


2016-05-02

T709 – Le merle et le rouge-gorge.


Cela s’est passé un matin, il y a peu, dans un jardin, le mien.

J’ai tout écouté, tout retenu, je peux vous le répéter au mot à mot,

j’ai l’ouïe fine et je comprends le langage des oiseaux, de tous les oiseaux.

Eux l’ignoraient, m’ignoraient, alors bien sûr ils ne se sont pas méfiés.

Ils ont fait comme si je n’existais pas, un genre d’ectoplasme, un étranger, celui qu’on ne prend pas en considération, l’exclu.

Ce que j’ai surpris en douce ?

Un échange de propos entre un merle débonnaire et un rouge-gorge impertinent, belliqueux.

 

 
Le plus petit a commencé, teigneux, par se moquer, par provoquer, faisant des gorges chaudes, en vrai de vrai rouge-gorge, j’en fus témoin, je peux certifier.

Les petits – mais n’en faisons pas une généralité - sont parfois dotés d’un solide aplomb, guère effrayés par plus grands qu’eux.

On le remarque ailleurs que dans les potagers et vergers, il faut le souligner.

Mais il s’agit d’une autre histoire.

Sous les sarcasmes du freluquet – freluquet assurément il l’était - le merle, loin d’avoir la langue dans sa poche, ne se démontant nullement, rétorqua :

« Tu te moques sans vergogne des corvidés et des turdidés, de notre allure, de nos parures, noires uniformément, sans fantaisie affirmes-tu, privées d’un flamboyant plastron tel que le tien, qui doit faire bien des ravages auprès des jouvencelles quand tu joues au joli cœur, affriolé par leurs dentelles, mais je t’en prie, toi qui as des ailes, élève un instant le débat, au ras des pâquerettes ne demeure pas. Nous sommes ainsi que nous sommes, nous devons nous en accommoder mais chez nous, je te le fais observer, Pierre Corneille et Robert Merle ont laissé une trace dans la littérature, dans la culture. Peux-tu en dire autant des tiens ? Cite-moi donc un quelconque Albert, Jules ou Ferdinand Rouge-Gorge qui aura un jour écrit un roman ? »

 

Il n’en fallut pas plus pour clouer le bec à l’effronté et lui rabattre le caquet.

Les discours les moins longs mais les plus argumentés

sont assurément les plus convaincants.

 
*** fin ***