Cela s’est passé un matin, il y a
peu, dans un jardin, le mien.
J’ai tout écouté, tout retenu, je
peux vous le répéter au mot à mot,
j’ai l’ouïe fine et je comprends
le langage des oiseaux, de tous les oiseaux.
Eux l’ignoraient, m’ignoraient,
alors bien sûr ils ne se sont pas méfiés.
Ils ont fait comme si je
n’existais pas, un genre d’ectoplasme, un étranger, celui qu’on ne prend pas en
considération, l’exclu.
Ce que j’ai surpris en douce ?
Un échange de propos entre un
merle débonnaire et un rouge-gorge impertinent, belliqueux.
Le plus petit a commencé, teigneux, par se moquer, par provoquer, faisant des gorges chaudes, en vrai de vrai rouge-gorge, j’en fus témoin, je peux certifier.
Les petits – mais n’en faisons
pas une généralité - sont parfois dotés d’un solide aplomb, guère effrayés par
plus grands qu’eux.
On le remarque ailleurs que dans
les potagers et vergers, il faut le souligner.
Mais il s’agit d’une autre
histoire.
Sous les sarcasmes du freluquet –
freluquet assurément il l’était - le merle, loin d’avoir la langue dans sa
poche, ne se démontant nullement, rétorqua :
« Tu te moques sans vergogne des corvidés et des turdidés, de notre
allure, de nos parures, noires uniformément, sans fantaisie affirmes-tu,
privées d’un flamboyant plastron tel que le tien, qui doit faire bien des
ravages auprès des jouvencelles quand tu joues au joli cœur, affriolé par leurs dentelles,
mais je t’en prie, toi qui as des ailes, élève un instant le débat, au ras des
pâquerettes ne demeure pas. Nous sommes ainsi que nous sommes, nous devons nous
en accommoder mais chez nous, je te le fais observer, Pierre Corneille et
Robert Merle ont laissé une trace dans la littérature, dans la culture. Peux-tu
en dire autant des tiens ? Cite-moi donc un quelconque Albert, Jules ou
Ferdinand Rouge-Gorge qui aura un jour écrit un roman ? »
Il n’en fallut pas
plus pour clouer le bec à l’effronté et lui rabattre le caquet.
Les discours les
moins longs mais les plus argumentés
sont assurément les
plus convaincants.
*** fin ***
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