Notre pays est en état
d’urgence.
Mais il y a aussi
urgence pour les contes d’autrefois.
Urgence et nécessité
absolue de les revisiter, dépoussiérer, les réactualiser.
Liberté, égalité,
fraternité, vive la République.
Oust ! les rois et les
reines de jadis, du balai les parents indignes qui malmènent leur innocente
descendance. Arrachons sans état d’âme les dents des vilaines sorcières et des
ogres gloutons, brisons les baguettes des malfaisantes fées et secouons sans
façon les princes charmants dans leurs interventions déplorablement
nonchalants.
Ils sont lents, ils
prennent leur temps. Bourrons-les de vitamines C, gavons-les, qu’ils affirment
ostensiblement leur virilité – y a des trous à combler. Songez - quel
scandale ! - que certaines
princesses durent attendre 100 ans avant que Monsieur daigne pointer son nez et
le reste.
Sur les uns et les autres,
on ne nous a pas tout révélé.
Moi, je sais. Et vais vous
dire.
Débutons par l’innocente
Blanche-Neige, la protégée des 7 nains – Cendrillon et le Chaperon, plus tard y
passeront, chaque chose en son temps.
Taraudante interrogation
depuis des générations. La vraie question, l’essentielle en fait, ne nous
voilons pas la face. La pure Blanche-Neige, oui ou non, aura-t-elle fait le
grand saut avec un de ceux qui rentraient en chantant du boulot, armés de pelle
et de seau ?
Si oui, mais qui donc fut
l’élu, l’heureux gagnant du tirage, s’interrogeait-on ?
Avant d’aller plus avant,
il y est bon de rafraîchir les mémoires, nos mémoires d’enfant, c’est si loin
tout cela !
Entre les parents de
l’héroïne, ce n’était pas l’amour fou. Une mère acâriatre et narcissique, son royal époux mou d’un peu
partout.
Ordre est donné, car la
jeune fille par sa juvénile beauté porte ombrage à la reine qui veut demeurer la plus belle, de
l’éloigner, de l’entraîner au loin et l’exécuter. De s’en débarrasser.
Le dossier est confié à un
chasseur qui, au fond de lui brave homme, pris de scrupule et de pitié,
l’épargne et dans la forêt l’abandonne.
B-N (gagnons un temps qui nous est précieux), prise de court, a pour tout maigre bagage une brosse à
dents et deux strings.
Pour survivre, c’est léger, la voilà bien ennuyée.
Perdue, sans GPS, l’héroïne
découvre une maisonnette, si petite que pour y pénétrer elle doit baisser la
tête. Faut-il s’en s’étonner ? Non, car nous nous savons qu’il s’agit de
la modeste habitation des nains – des personnes de petite taille, en
politiquement correct.
En leur absence, elle entre
et fait le tour du propriétaire. Salon, cuisine, commodités et la chambre
commune avec 7 lits. Tout est inspecté. Le lieu plait, bien que la dimension
des toilettes posa un léger problème
Faute de grive, on mange des merles.
N’ayant guère le choix,
elle décide de provisoirement y séjourner. On verrait après pour les
formalités.
Prêts ? Le récit
débute ici.
Il était une fois... – car
on se doit de toujours commencer les contes ainsi : il était une fois.
Le jour déclinait,
rentrèrent au logis les Nains, en file indienne, par rang de taille, ou
presque.
« Ciel !
s’exclamèrent-ils d’une seule voix, une princesse en notre logis, et voyez
comme elle est jolie, jolie. »
La chair fraîche ne ravit pas seulement les ogres...
Après qu’elle se fut expliquée, ils acceptèrent sa
présence sous réserve de menus services d’ordre ménager à rendre et la prièrent
de s’installer confortablement pour une semaine en attendant que s’arrangent
ses affaires.
Oui mais, 8 pour
7 lits ? Comment faire, que faire pour que la morale soit sauve,
qu’il n’y ait pas de jaloux, bien que les uns et l’autre soient novices et sans
vice ?
La bienséance serait
d’attribuer une couche à l’invitée ! Soit, ils en convinrent et admirent (du verbe admettre).
On s’organisa. Chaque nuit, un des nains changerait de lit et serait hébergé
par un nain cousin.
Or, la discrète B-N avait
d’autres idées en tête, et pas uniquement en tête.
Il en alla tout autrement.
Notre ingénue n’était plus
en âge d’être sage. Depuis quelque temps elle se réveillait en nage, dans un
lit qui n’avait été que roulis et tangage.
Quoi ! Sans rivale,
avec tous ces messieurs à portée de main, même nains, il ne se passerait
rien !
On n’allait pas attendre ce
fichu prince charmant qui se faisait désirer...
7 nuits, un délai
raisonnable pour arriver à ses fins, estima-t-elle, assouvir sa faim.
La nuit tombe, il est
l’heure de se retirer et de passer au lit.
Lundi. A tout seigneur,
tout honneur. Elle se réfugie auprès du très sérieux Prof, doyen de la bande.
Plus versé dans l’explication de texte que le sexe. Prolixe, il parla, parla
théorie, jusqu’au petit matin mais fut incapable de passer à la pratique.
Mardi. Nouvel essai, son
choix : Simplet. Qui, dépassé, sur l’objet, la finalité, n’y comprit rien
de rien et fut incapable de trouver le bon chemin. Mauvaise pioche, ce qui est
fâcheux pour un mineur.
Mercredi, Atchoum.
Catastrophe. Il secoua la Belle comme
un prunier à force d’éternuer. « A vous souhaits, à vos souhaits... »
Quant aux souhaits de l’ingénue, il fut bien en peine d’assurer.
Jeudi, au tour de
Grincheux, un fâcheux, qui à chaque proposition par principe
répondra : non et non et non et
grognera comme un cochon. Se glissant sous l’édredon, toujours bougon, exigeant
qu’on lui fiche la paix, refusa de
s’occuper du tendron.
Vendredi, on s’acheminait
vers la fin du séjour. Au tour de
Timide, devant la teneur du dossier évidemment paralysé. Comme prévisible, le
fiasco au dodo.
Samedi. Faites vos jeux. Game is ovaire. Joyeux ! Blague sur blague, éclats de rire. Des
blaguettes mais pour le tour de baguette magique, bernique.
Enfin. Dormeur, le dernier.
A peine allongé, il se livra
voluptueusement aux délices de sa nature profonde.
C’était raté, râpé.
A la frustrée, puisque la
cavalerie n’arrivait pas, consciente qu’elle ne pourrait décidément compter sur
les Nains, ne restait, piètre consolation, que sa main. *
Ce point éclairci, la suite
présente moins d’intérêt.
Vous pouvez maintenant
retourner à votre version classique.
*Virginité
par force préservée, en partie responsable mais bénéficiaire, le Prince
Charmant ne saura prétendre à indemnités.
Pour faire pardonner son absence,
peut-être lui offrira-t-il judicieusement la célèbre
petite robe noire de Guère-Nain ?
*** fin ***