« Un jour, sur ses longs pieds, allait je ne sais où,
le Héron au long bec emmanché d’un long cou. »
Ainsi s’interrogeait Jean de La
Fontaine.
Le héron errant
tournait-il en rond ?
Belle
interrogation !
« Hé, Jeannot ! - l’apostropha au passage l’impertinent Pierrot -
Ch’ peux t’ refiler un tuyau servi
tout chaud par la Maison Poulbot :
Il s’en va retrouver un perdu de
vue ancien poteau. »
En leur prime jeunesse, arbre et
oiseau furent proches voisins
Chacun de modeste condition. A
l’origine un œuf, une graine.
Pour le héron, un coup de Papa à
Maman
Pour le saule, un coup de vent.
Côte à côte, à leur façon, ils
avaient grandi.
L’un s’affina, tout fut fin et long
chez lui,
l’autre prit, touffu, hauteur,
volume et s’épaissit.
Au fil du temps, fatalement, leurs
voies avaient bifurquées.
Le saule, trapu et feuillu, assigné
à résidence, figé pour l’éternité,
Le héron, libre de mouvement,
parcourant ciel et terre comme le font les ailés.
L’arbre, sagement, prospère et
pépère s’était rangé des affaires
L’échassier pour sa part n’avait eu
de cesse de s’envoyer en l’air.
Certain jour,
sonna l’heure de leurs retrouvailles.
Le héron, le
géant vert asticota et taquina, même un peu au-delà :
« Depuis ce jour où tu as vu le jour
Pas plus d’un pouce que d’un doigt de pied tu n’auras bougé, mon balourd.
N’as-tu jamais dans les jambes ressenti des fourmis, gros engourdi ?
Tu aurais pu voir du pays, te faire des amis et mieux, des petites amies.
Aller loin t’aurait évité cet embonpoint.
Seulement voilà, enraciné, tu n’en fis rien.
Moi, qui suis adepte de l’exercice quotidien,
n’envies-tu pas ce jour ma taille et mon maintien ?
- Certes, je suis quelque peu
massif côté ramure
Mais qui cela gêne ? Je ne fais pas souffrir outre mesure la nature.
Chez moi, chacun peut trouver gîte et nourriture
Altruiste je suis, nullement égoïste. J’accueille les bouvreuils
et toutes sortes de passeraux, pies et corbeaux, des écureuils
J’offre volontiers mon tronc en support aux plantes grimpantes
qui se désespérent d’être rampantes
Toi, tu vas, tu viens, dans les airs montes et sur terre redescends
L’air supérieur, du matin au soir, indifférent, fier comme Artaban
Reste planté des heures à guetter tes menues proies d’un œil rond
semant la terreur chez les batraciens et la gent poisson.
Le divin commandement « Tu ne tueras point » aurais-tu oublié ?
A l’heure du jugement dernier, au
soir du grand soir,
À ton avis, qui sera bon à griller dans l’infernale rôtissoire,
pour l’éternité condamné et damné ?
Penses-y dès aujourd’hui mon cher ami. »
C’est alors qu’on retrouve au bon
moment le bon J de La F,
- spécialiste reconnu en
conclusions -
Rencontre opportune, piquons-lui
sans vergogne une citation :
« Garde-toi, tant que tu
vivras,
De juger des gens sur la
mine. »
*** fin ***
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire